Millésime 2002 – Un millésime de contrastes
Résumé
Le millésime 2002 est marqué par une grande hétérogénéité. Les conditions météorologiques difficiles ont pénalisé les merlots précoces, mais une arrière‑saison exceptionnelle a permis aux cabernets de mûrir convenablement. La rive gauche (Médoc, Pauillac, Saint‑Estèphe) s’en sort nettement mieux, avec des vins droits, fruités et équilibrés. La rive droite, plus riche en merlots, livre des vins plus chétifs ou creusés, mais certains terroirs de Castillon et de Saint‑Émilion tirent leur épingle du jeu. Les blancs secs sont frais et équilibrés ; les liquoreux sont riches en sucre mais parfois lourds.
Analyse météo
Les notes de l’Institut d’œnologie et de l’UGCB décrivent une année difficile. Le printemps est pluvieux, entraînant coulure et millerandage ; juillet et août sont frais et peu ensoleillés. En septembre, un “miracle” climatique se produit : un mois de temps chaud, sec et ensoleillé redonne espoir aux vignerons, assèche le botrytis et permet une bonne maturité des raisins. Les merlots, vendangés tôt, restent hétérogènes et acides ; les cabernets sauvignons profitent pleinement de la chaleur tardive et donnent des vins très aromatiques, avec des tanins souples et veloutés. Les liquoreux présentent une forte concentration en sucre, parfois provoquée par l’osmose inverse ; la richesse domine souvent l’élégance.
Description par appellation
Barsac–Sauternes (blancs) : millésime ingrat. Les nez sont fermés et dominés par la levure ou l’alcool, le sucre est massif et écœurant. Les vins restent nets et acides mais demandent un long élevage. Coup de cœur pour Clos Haut‑Peyraguey, très équilibré, et Doisy Vedrines, qui offre une fraîcheur intense. Broustet est jugé parfait pour la table grâce à sa buvabilité.
Pessac‑Léognan blanc : beau millésime sans être grand. Les sauvignons sont réussis ; les meilleurs vins allient volume et fraîcheur (Haut‑Bergey, La Tour Martillac, Malartic‑Lagravière, De France, Couhins‑Lurton). Le sommet est Laville Haut‑Brion, riche, élégant et long. Les seconds vins de Haut‑Brion et La Mission Haut‑Brion sont remarquables.
Bordeaux blanc et Entre‑deux‑Mers : vins frais, aromatiques, simples mais plaisants. Charmes Godard séduit par son volume bourguignon et ses accents floraux. Reynon vieilles vignes met l’accent sur la nervosité du sauvignon, et Fontenille éclate de fruit grâce à la muscadelle.
Médoc (rouge) : l’appellation la plus homogène. Les vins présentent un beau fruit mûr, des tanins doux et peu d’artifice. Quelques vins souffrent d’un élevage trop boisé (Vieux Robin, Patache d’Aux), mais la majorité – Castera, Du Périer, La Clare, Noaillac, Ramafort, ainsi que les seconds vins Fontaine de l’Aubier et Haut‑Myles – offre un raisin pur et généreux.
Haut‑Médoc : plus hétérogène, avec des dilutions et des finales agressives. Les meilleures réussites sont Belgrave, Citran, Cambon La Pelouse, Cissac, Sénéjac et surtout Clément Pichon, qui atteint un niveau de cru bourgeois exceptionnel.
Margaux : millésime peu volumineux et tannique. Parmi les non classés, La Gurgue et La Tour de Mons séduisent par leur élégance. Monbrison est l’un des meilleurs flacons, tous crus confondus. Chez les classés, Du Tertre présente une belle structure et Lascombes combine volume et longueur, tandis que Brane‑Cantenac reste très typé Margaux mais un peu austère.
Listrac et Moulis : quelques belles surprises. Saransot‑Dupré est salué pour son équilibre parfait ; Mayne Lalande offre beaucoup de fruit. Poujeaux et Chasse‑Spleen en Moulis sont réussis mais leurs tanins sont un peu durs.
Saint‑Julien : de beaux fruits mais des tanins parfois durs. Gruaud Larose est très élégant. Talbot et Lagrange affichent un beau volume mais leurs finales sont chaudes et boisées.
Pauillac : le cœur du millésime. Les vins conjuguent fruit, volume et structure. Lynch‑Bages, Haut‑Bages Libéral et Pontet‑Canet forment un trio de tête. Pichon Baron, Grand Puy Ducasse, Pibran sont prometteurs mais encore boisés.
Saint‑Estèphe : structures puissantes et tanins serrés. Château Clauzet signe un des plus beaux vins de tout Bordeaux. Les Ormes de Pez, Haut‑Marbuzet, Cos Labory, Phélan Ségur, Coutelin Merville et Tour de Pez complètent le palmarès.
Pessac‑Léognan rouge : beaucoup de vins manquent de fraîcheur et sont marqués par l’alcool ou le bois. Domaine de Chevalier reste frais et équilibré. Ferrande, Haut‑Bergey, Pape‑Clément, Smith Haut Lafitte, Malartic‑Lagravière et la famille Haut‑Brion/La Mission (avec leurs seconds vins) figurent parmi les réussites.
Rive droite : globalement plus faible. Les Bordeaux et Bordeaux Supérieur doivent être bus pour leur fruit immédiat ; seul Gree Laroque sort du lot. À Blaye, Dubraud et Bel Air La Royère brillent par leur structure ; Mondésir Gazin et Petits Graviers offrent finesse et fruit. Nodoz (Côtes de Bourg) présente un fruit rond un peu chaud. Premières Côtes de Bordeaux : Montjouan, Nénine, Clos Saint‑Anne, Puy Bardens et Reynon sont de beaux vins classiques.
Côtes de Francs : Puygueraud et La Prade dominent, avec des fruits explosifs et des tanins fondus ; Château de Franc, Pélan et la cuvée Georges sont également de belle facture.
Côtes de Castillon : haut niveau. Les vins ronds (Joanin‑Bécot, Domaine de l’A) et les vins charpentés (Clos des Lunelles, Valmy Dubourdieu Lange, Veyry) comptent parmi les meilleurs rouges de la rive droite.
Saint‑Émilion et satellites : qualité très variable. Monbousquet, Moulin Saint‑Georges et Petit Cheval incarnent la finesse. Parmi les grands crus classés, Pavie Macquin, Troplong Mondot, Pavie Decesse et Grand Mayne tirent leur épingle du jeu. Chez les 1ers GCC, Clos Fourtet, Figeac, Beauséjour Bécot, La Gaffelière et Ausone allient fraîcheur et structure.
Pomerol : très touché par le faible volume de merlot, mais Certan de May, Vieux Château Certan et Vieux Maillet réalisent des vins surprenants par leur fraîcheur et leur élégance.
Lalande de Pomerol : millésime difficile, seul La Fleur de Bouard sort du lot.
Fronsac/Canon Fronsac : beaucoup de vins mûrs, ronds et chauds ; La Rousselle signe son plus beau millésime, tandis que Haut Carles, Moulin Haut Larroque et Barrabaque sont à retenir.
Quelques notes de dégustation
Vos feuilles de dégustation individualisées (degu.xls) font ressortir quelques bouteilles mieux notées :
Clos Puy Arnaud (Côtes de Castillon) : 17/20 – magnifique équilibre, tanins serrés et grande longueur.
Veyry (Castillon) : 17/20 – puissant, bien mûr, tanins ronds.
Boutisse, Sansonnet, Quinault (Saint‑Émilion GC) : 14/20 – vins classiques, fruités et bien structurés.
Joanin‑Bécot, Domaine de l’A, Valandraud (Castillon et Saint‑Émilion) : 14/20 – jolis fruits et notes épicées.
Haut Carles (Fronsac) : 15/20 – fruit mûr, tanins suaves.
Ces notes confirment la hiérarchie décrite plus haut : les meilleurs scores vont aux vignerons de Castillon et aux cuvées de niche en rive droite.